Le centre de la Vieille Charité, situé en plein cœur du Panier, un quartier historique de la cité phocéenne, compte les derniers jours avant la fin de l’exposition événement sur Fatma Haddad, plus connue sous son pseudonyme artistique Baya. Sous les arcades du monument en pierre, plusieurs salles ont été réservées pour raconter la vie de « l’héroïne algérienne de l’Art moderne ».
Après une première exposition à l’Institut du Monde Arabe de Paris, les 150 pièces – peintures, photographies, articles de presse et lettres regroupées sous la houlette de la commissaire de l’exposition Anissa Bouayed – ont pris la route du sud de la France pour une seconde étape.
Découvrir ou redécouvrir Baya
Ceci est une occasion pour les visiteurs d’en savoir plus sur la peintre algérienne, née en 1931 à Bordj El Kiffan (est d’Alger) et décédée à Blida en 1998. De la jeune fille au visage malicieux à la femme mûre marquée par les années, l’exposition raconte comment Baya a trouvé dans la peinture et la sculpture un moyen d’expression et d’évasion. « Quand on peint et quand on tient ses pinceaux entre les mains, on s’évade de tout (…). C’est un parcours un peu solitaire… et que j’aime. C’est un besoin », disait-elle.
Solitaire, la jeune Fatma l’a sûrement été. Elle perd son père très jeune, à l’âge de six ans, avant de devenir orpheline de mère trois ans plus tard, en 1940. De sa mère, elle gardera le souvenir impérissable d’une femme grande et mince qui lui chantait des berceuses. La figure maternelle inspirera la plupart de ses peintures et sculptures en argile et lui donnera même son pseudonyme.
Baya, une femme qui peint des bouts d’Algérie
Dans ses tableaux colorés, les femmes aux long cheveux sombres tiennent une place prépondérante. Vêtues de leurs robes colorées, elles retranscrivent des scènes sorties de l’imaginaire de l’artiste et des souvenirs de son passé. D’abord, sa petite enfance à l’est d’Alger, puis sa vie en Kabylie où elle suivit sa mère remariée à un marchand de la région. Son œuvre dépeint aussi une nature où les animaux, papillons, paons et poissons, évoluent de manière harmonieuse.
C’est après la mort de ses parents et le retour chez sa grand-mère que la jeune Haddad rencontra Marguerite Caminat, une peintre française installée en Algérie, qui la prit sous son aile. Baya expose ses œuvres pour la première fois en 1947, à Paris, à seulement 16 ans. Elle attise alors la curiosité des médias.
Baya ou la peinture « naïve » indéfinissable !
L’exposition marseillaise revient d’ailleurs sur la couverture médiatique du travail de l’artiste et ces articles de presse marqués par le fantasme orientaliste de l’époque. Sur les photos, Baya, l’autodidacte, apparaît vêtue d’un sarouel ou d’un burnous et, depuis son plus jeune âge, avec un foulard noué de façon traditionnelle sur la tête. Son art, qualifié de « naïf », « enfantin », « brut », « moderne », ou encore « surréaliste », reste indéfinissable. Il a contribué à valoriser le patrimoine et les arts populaires algériens à travers ses scènes luxuriantes et colorées.
Baya avait aussi un lien étroit avec la ville de Marseille. En 1982, le musée Cantini lui consacre sa première exposition d’envergure internationale et lui ouvre la voie à une reconnaissance internationale. Ces peintures la feront voyager dans plusieurs pays, en Angleterre, en Espagne et aux États-Unis, etc., sans jamais lui faire perdre son point d’ancrage : l’Algérie.