Celui qui sait bien ciseler les mots pour en faire de beaux morceaux de rap, complimentés par un large public en France et à l’international, est désormais accusé d’antisémitisme. Il voit ainsi son image ternie après avoir posté un tweet dans lequel il a qualifié l’artiste et essayiste franco-gambienne Rachel Khan de « ResKHANpée » (autrement lu « rescapée »), décrite comme une personne « dérivant chez les social traîtres et bouffant au sens propre à la table de l’extrême-droite ». Ce jeu de mot raté est perçu comme l’insulte de trop contre cette femme, avec laquelle il avait un passif. Et pour cause, elle est de confusion juive et de surcroît petite fille d’un juif déporté par les Nazis lors de la Seconde Guerre mondiale.
Les excuses de Médine aux victimes de la Shoah
Les quelques mots de l’artiste sur la plateforme X (anciennement Twitter) ont suffi pour soulever un tollé, jusque chez des membres du gouvernement français, à l’instar de la secrétaire d’Etat chargée de la citoyenneté, Sonia Backès, et du ministre des Transports, Clément Beaune, qui ont qualifié les propos de Médine d’« abjects ».
L’ayant invité pour participer à leurs universités d’été, les partis Europe Écologie-Les Verts (EELV) et La France insoumise (LFI) ont été invités par une bonne partie de la classe politique à le déprogrammer. Ce que les deux mouvements ont refusé.
Voyant la polémique prendre des dimensions importantes, le rappeur a posté un autre tweet dans lequel il a tenu à présenter ses excuses pour la publication mise en cause. « Aucune ambiguïté. J’ai attaqué le parcours professionnel de Rachel Khan. La formule pas adaptée, qui a certainement dû heurter des personnes et je m’en excuse, n’était pas dirigée vers sa famille ni vers les victimes du drame de la Shoah », a-t-il écrit. Et de s’expliquer encore : « Rachel Khan m’a traité il y a quelques jours de « déchet ». Je n’ai pas crié à l’islamophobie ni au racisme anti-arabe. Le combat contre l’antisémitisme, contre l’islamophobie et toutes les discriminations méritent mieux que des anathèmes sur Twitter ».
Le « jihad » de Médine !
Malgré ces excuses et explications, la polémique n’est pas encore retombée à cause du maintien de sa participation aux évènements politiques de EELV et LFI. « Pour moi, la lutte contre l’antisémitisme, c’est une bataille culturelle qu’il faut mener et qui doit se mener partout et tout le temps, y compris là où c’est plus difficile ou plus risqué », a répondu Marine Tondelier, la cheffe des Verts.
Né au Havre (nord-ouest de la France) de parents algériens, Médine est un habitué des polémiques. Il est souvent accusé par les cercles de droite et d’extrême-droite de « terrorisme » et de composer des chansons « subversives » et vantant « l’islamisme ». Or, ce sont là que des allégations. Il n’a jamais été condamné par la justice.
La carrière artistique du rappeur de 40 ans a débuté en 2004. Six albums sont à son actif. Dès 2005, il a attiré les foudres de ces actuels détracteurs en intitulant l’un de ses albums Jihad, créant ainsi une grosse controverse. Mais pour Médine, le « jihad » a un autre sens. « C’est mon combat éternel, celui de l’intérieur contre mon mauvais moi-même », a-t-il expliqué. Dix ans plus tard, le 1er janvier 2015, quelques jours seulement avant l’attentat qui a visé le journal satirique Charlie Hebdo, il sort un autre nouvel album provocateur avec le titre Don’t Laïk. Il s’y attaque frontalement à la laïcité en chantant, entre autres : « Crucifions les laïcards comme à Golgotha » !
Quand Médine dénonçait la « liberté d’expression à géométrie variable »
Pourtant, dans un portrait qui lui est consacré par le quotidien de gauche Libération, Médine se décrit comme « un musulman laïc », partisan d’une « laïcité originelle qui garantit l’acceptation des religions tout en gardant neutres les institutions ». Le rappeur a dénoncé une « interprétation biaisée de sa chanson symptomatique d’une liberté d’expression à géométrie variable ».
Engagé, plutôt à gauche, il a intitulé son dernier album, sorti en 2022, Médine France. Il y dénonce notamment la réforme des retraites : « Ils reculent l’âge de la retraite. Mais avancent l’âge de la mort. Disent que c’est nous qu’appelons au meurtre, envie de gerber jusqu’à l’aurore ».
Le parolier, habituellement bon communicant sur les réseaux sociaux, risque cette fois-ci de laisser quelques plumes à cause de la controverse qui enfle toujours autour de son tweet. Plusieurs appels ont été lancés pour la déprogrammation de ses concerts. Néanmoins, il sera bel et bien présent à la Fête de l’Humanité, en septembre prochain.