Dans un entretien accordé à la radio France Inter, le 24 juin dernier, sa veuve Nadia Matoub a renouvelé son appel aux autorités algériennes afin qu’elles fassent le nécessaire pour que la vérité soit enfin révélée. « Je ne sais pas qui a tué Matoub Lounès, avait-elle déclaré. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il était contre les islamistes et critiquait le régime algérien ». Et d’ajouter : « Lounès était un chanteur rebelle. C’est pour cette raison qu’ils ont voulu le réduire au silence. Ils voulaient faire taire le rebelle, l’artiste et le leader ».
Comment est mort Matoub ?
Ces déclarations ont coïncidé avec la journée d’hommages rendus au barde de la chanson algérienne, en Algérie, en France et en Amérique du nord. Il a été tué, le 25 juin 1998, dans une embuscade qui lui a été tendue sur la route menant à son village Taourirt Moussa, sur les hauteurs de Kabylie. Près de 70 balles ont traversé la carrosserie de son véhicule, ne lui laissant aucune chance de survivre.
L’annonce de sa mort s’est répandue comme une traînée de poudre dans toute l’Algérie. Des manifestations simultanées et populaires sont sorties dans les villes de Tizi Ouzou, Bejaïa et de Bouira. Objectif : dénoncer ce crime et demander aux autorités algériennes de tout faire pour débusquer ses auteurs. De violentes échauffourées ont éclaté, durant plusieurs jours, faisant trois morts parmi les manifestants et plusieurs blessés.
Les télévisions internationales ont ouvert leurs journaux avec la nouvelle de l’assassinat de Matoub Lounès. Les condamnations de ce crime qualifié d’abject et de lâche pleuvaient de partout. À commencer par celle du défunt président français, Jacques Chirac, qui a déclaré : « j’ai appris avec consternation et une grande tristesse la nouvelle de l’assassinat de Lounès Matoub. Ce lâche assassinat suscite l’indignation de tous les gens civilisés. C’était un homme qui portait haut et fort la voix de l’Algérie. Une belle voix. Une très belle voix. Et j’espère que cette voix ne se taira pas ».
Qui a tué Matoub ?
Depuis, chaque année à la même date, des hommages appuyés sont rendus à l’auteur, entre autres de « Kenza » et de « La veuve », deux chansons très populaires. Adulé, Matoub demeure encore plus vivant dans le cœur de ceux qui l’aiment. Cette année, pour les 25 ans de son assassinat, la Fondation qui porte son nom a édité son dernier album « Lettre ouverte aux … » sous forme de vinyle.
Toujours aussi estimé et très écouté, il a laissé un héritage musical et poétique prolifique. De nombreux jeunes artistes tentent d’imiter sa voix ou de s’identifier à son combat, et ce dans un élan de respect et de reconnaissance de tout ce qu’il a accompli durant sa courte carrière, ayant été assassiné à l’âge de 42 ans.
Depuis, une seule question demeure sans réponse satisfaisante : qui a tué Matoub ? En juillet 2008, un procès des assassins présumés a été tenu au tribunal de Tizi-Ouzou. Parmi les appelés à la barre figurent Malik Medjnoun et Abdelkrim Chenoui, tous deux accusés d’avoir participé à la mise à mort du poète, en plus de huit autres toujours en fuite. Mais ils ont toujours clamé leur innocence. Ce qui a poussé la famille du chanteur à réclamer aux autorités un autre procès avec les véritables auteurs du crime.
Le chemin de la vérité dans ce dossier semble être parsemé de beaucoup d’embûches. Comme il l’est, d’ailleurs, dans les affaires d’assassinats de Mohamed Boudiaf, de Krim Belkacem et d’Abane Ramdane. Des héros tombés pour une « Algérie meilleure et une démocratie majeure », chantait un certain Matoub Lounès.