Sebeïba : Le festival millénaire des Touaregs algériens

Festival de la Sebeïba
Djanet, l’envoûteuse oasis algérienne, a accueilli le Festival de la Sebeïba, du 24 au 29 juillet. Ce mystérieux rituel des Touaregs, inscrit au patrimoine immatériel de l'UNESCO, plonge les participants et les visiteurs au cœur de la magie d’une célébration berbère plusieurs fois millénaire où les danses effrénées et les chants traditionnels se mêlent pour honorer la paix et la fraternité.

La clôture en apothéose de cet évènement coïncide chaque année avec la fête musulmane de l’Achoura (10 muharram du calendrier hégirien). L’édition 2023 a duré une petite semaine, mais habituellement les festivités durent pendant dix jours et ont lieu dans l’oued de Djanet (sud-est de l’Algérie), transformé à l’occasion en une scène artistique vibrante et haute en couleur.

Quelle est l’origine du rituel de la Sebeïba ?

Le rituel de la Sebeïba a été ajouté sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité lors de la neuvième session du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, qui s’est tenue au siège de l’UNESCO, à Paris, du 24 au 28 novembre 2014. Mais au-delà de son caractère socio-culturel, la Sebeïba est aussi une aubaine économique pour les commerces locaux car elle attire les touristes nationaux et étrangers, de plus en plus nombreux à vouloir visiter le magnifique Sahara algérien.

L’origine de cette coutume ancestrale targuie remonte à 3 000 ans, voire plus. Son apparition se perd dans les méandres de l’histoire et de la mythologie. Plusieurs versions cohabitent quant à l’explication de sa genèse. Selon la tradition, transmise de génération en génération, cette fête serait liée à une guerre fratricide entre deux tribus du désert du Tassili N’Ajjer. En apprenant la victoire de Moïse sur les armées du Pharaon, les tribus antagonistes scellèrent un pacte de paix. Ainsi, la date de la noyade du roi d’Égypte dans la mer devint le jour de célébration de la Sebeïba. Elle sera calée beaucoup plus trad sur le calendrier lunaire en l’associant à la fête religieuse de l’Achoura.    

En quoi consiste le Festival de la Sebeïba ?

La Sebeïba, devenue au fil des siècles un marqueur de l’identité des Touaregs algériens, consiste à simuler un combat entre deux tribus actuelles de Djanet, El-Mihane et Azellouaz. Cela prend la forme d’une cérémonie festive mettant en compétition les hommes pour la danse et les femmes pour le chant. Elle est censée renforcer la cohésion sociale tout en conjurant symboliquement la violence et la guerre.

Pendant tout le festival, les faux guerriers sont vêtus de beaux atours et les vraies chanteuses sont parées de bijoux étincelants. L’affrontement ultime est précédé par neuf jours d’éliminatoires qu’on appelle « timoulawine ». Malgré son importance pour la sélection des danseurs qui représenteront chacune des deux communautés, cette phase est marquée par des entraînements amicaux incluant les enfants et pleines d’autres activités culturelles dans une ambiance conviviale. Question d’assurer la relève. En effet, toutes les connaissances liées à la Sebeïba sont transmises par les anciens aux jeunes, y compris le savoir-faire artisanal pour fabriquer tenues, armes, bijoux et instruments de musique utilisés dans les cérémonies.

La Sebeïba, un combat dansant pour la paix !

Le jour J, les compétiteurs se rendent dans un lieu-dit Loghya pour pratiquer le rituel final. Les danseurs-guerriers, portant une « tekoumbout » (coiffe targuie) et des costumes d’apparat traditionnels, forment un cercle rituel en faisant cliqueter leurs épées en continu. Les deux clans, chacun sous les ordres d’un chef nommé « amghar » (ancien ou vieux en Tamazight), s’affrontent en dansant et en brandissant d’une main une épée et de l’autre un foulard, en signe de paix. Ils sont encouragés par les femmes dont la beauté est mise en valeur davantage par de magnifiques tatouages berbères en henné et d’imposantes parures en argent. Elles chantent au rythme du son de la « ganga » (tambourin traditionnel) et leur prestation peut amener parfois les danseurs à entrer en transe.

Le spectacle se fait en deux parties, le matin et l’après-midi. À l’issue de cette confrontation guerrière imaginaire, sans réel triomphe ni vraie défaite, les « kel imnas » (hommes nobles) qui forment le jury de la Sebeïba désignent néanmoins la tribu qui l’emporte sur l’autre. Dès qu’ils prennent leur décision, ayant suivi les « hostilités » de près à dos de chameaux, ils se dirigent directement avec leurs montures vers le groupe vainqueur annonçant ainsi sa victoire symbolique. Aussitôt, l’heure de la revanche a sonné pour les vaincus. Ils se consolent par l’espoir que l’année suivante sera la leur !

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