Client traditionnel du blé français, l’Algérie se tourne vers les céréales russes 

Blé Algérie
« À l’issue de deux mois de la campagne céréalière débutée le 1er juillet, l’Algérie reste le deuxième importateur du blé russe, derrière l’Égypte et devant la Turquie », a annoncé Arkadi Zlotchevski, président de l’Union céréalière de Russie, dans une déclaration faite le 5 septembre 2023 au média russe Sputnik.

Les pronostics indiquant que le blé russe devait renforcer sa part sur le marché algérien, en écartant les céréales françaises, se réaliseraient selon lui. Sur les deux derniers mois, la cadence des achats de l’Algérie n’a pas baissé malgré la hausse des prix du blé russe. « L’accord céréalier a pris fin, tout comme le dumping du blé russe. À présent les céréales russes sont négociées à un prix supérieur aux céréales françaises. Mais malgré cela, les achats algériens continuent. Les Algériens ont pris goût au blé russe », a ajouté Zlotchevski, pour qui, « cette tendance pourrait s’expliquer par un éventuel retard de programmes français de financement »

Le 6 septembre, le même média russe, citant Elena Tiourina, cheffe du département d’analyse de l’Union céréalière russe (UCR), signalait que « l’Égypte est le plus grand importateur (des céréales russes, ndlr) avec plus de 900 000 tonnes de céréales, même si les volumes ont été de 35% inférieurs par rapport à août 2022 » et que « l’Algérie vient deuxième » avec des importations qui « se sont presque multipliées par 7, avec 610 000 tonnes » (durant le mois d’août 2023). 

L’Algérie, un marché de blé qui pèse environ 9 millions de tonnes par an

Au mois de juin dernier, l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), a clôturé un appel d’offre pour l’achat d’une quantité de 400 000 tonnes de blé. « Le blé meunier est acheté en grande partie de Russie », avait indiqué, le 20 juin, l’agence de presse Reuters, à des prix d’achat compris « entre 261,5 et 264,5 dollars la tonne CIF (coût, assurance et fret) inclus »

Gros importateur de blé, avec une estimation de besoins avoisinant les neuf millions de tonnes (8,7 millions de tonnes pour la saison 2023/2024, selon les prévisions du Foreign Agricultural Service), l’Algérie a décidé, depuis 2019, de diversifier ses sources d’approvisionnement en blé.

Auparavant, le pays importait quasi exclusivement le blé français. Ce qui ne veut pas dire que ce dernier soit complètement écarté actuellement. Dans une note, rendue publique le 18 janvier 2023, l’établissement public France AgriMer, dépendant du ministère de l’Agriculture, avait indiqué que les importations algériennes de blé s’étaient élevées « à près de 1,5 million de tonnes » entre juillet et décembre 2022, soit en hausse de 30% par rapport à l’année d’avant. 

Mais, il est clair que cette tendance à acheter des quantités de plus en plus importantes de blé russe va se poursuivre. Pendant l’année agricole de juillet 2021 à juin 2022, la Russie a fourni 480 000 tonnes de blé à l’Algérie, selon l’Union russe des exportateurs de grain. Pour cette année agricole, ce taux a sensiblement augmenté pour atteindre 2,14 millions de tonnes. 

La France est-elle en train de perdre complètement le marché algérien ?

En optant pour le blé russe, dans le cadre de la diversification des sources d’approvisionnements, l’Algérie prend-t-elle en compte exclusivement les paramètres commerciaux ? La question mérite d’être posée dans la mesure où l’avantage du produit russe, sur le plan du coût, semble ne pas durer. Le prix du blé américain est estimé à 234 dollars la tonnes, alors que la Russie vend son blé à 235 dollars mais avec des droits d’exportation qui ont augmenté. D’où la déclaration du président de l’Union céréalière de Russie qui affirme que « les céréales russes sont négociées à un prix supérieur aux céréales françaises » et que « malgré cela, les achats algériens continuent ».

Il est clair qu’au-delà des aspects liés à la sécurité alimentaire, qui consistent à diversifier les sources d’approvisionnement afin de réduire la dépendance à un seul pays fournisseur, l’état actuel des relations algéro-françaises engendre des conséquences contreproductives sur les échanges commerciaux entre les deux pays. Devant effectuer une visite en France, qui a déjà été annoncée puis reportée, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a déclaré début août, que la date du déplacement se décidera lorsque les deux parties s’« entendront » sur son « contenu ». Questionné, aujourd’hui, sur les concessionnaires automobiles français, la marque Renault ayant son usine fermée depuis 2020, le ministre de l’Industrie et de la Production pharmaceutique, Ali Aoun a eu ces propos : « Si vous me parlez des Français, ils attendront lorsqu’on le décidera ».

Le « froid » entre Alger et Paris ne peut qu’impacter le partenariat économique entre les deux pays. Prenant en considération le fait que les responsables algériens mettent de plus en plus la « sécurité alimentaire » du pays en tête de leurs objectifs, d’après les déclarations exprimées à maintes reprises, les importations du blé français vont forcément continuer à diminuer au profit du produit russe. Une tendance baissière constatée dans d’autres domaines aussi, qui pourrait se poursuivre.

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