Économie algérienne : Passe d’armes entre une organisation patronale et les autorités

Saida Neghza Présidente de la CGEA
En quelques jours, Saïda Neghza, présidente de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), est devenue une icône médiatique en Algérie. Et pour cause, elle a lancé une grande polémique après avoir critiqué la gestion économique dans le pays.

La cheffe d’entreprise et patronne de la CGEA a engagé un bras de fer avec le gouvernement sur la situation des entrepreneurs en Algérie.

Dans une lettre ouverte « osée » adressée, le 8 septembre dernier, au chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, Neghza a dit tout haut ce que beaucoup d’investisseurs pensent tout bas : la pression judiciaire continue, les contraintes administratives, le problème de transfert des devises, des projets toujours bloqués malgré les promesses de la présidence algérienne de les débloquer, etc.

Une nouvelle Tripartite pour relancer l’économie algérienne ?    

La responsable de l’organisation patronale décrit des entrepreneurs tellement dégoûtés qu’ils regrettent « d’avoir passé leur vie à construire des usines, à investir dans des projets utiles, qui emploient des centaines de travailleurs, pour finir à la merci du plus petit bureaucrate ».

Pour régler ces problèmes, elle propose notamment de revenir aux réunions de la Tripartite, qui rassemblaient les organisations patronales, la centrale syndicale UGTA (Union générale des travailleurs algériens) et le gouvernement. Ces trois partenaires discutaient les problèmes des entreprises et des salariés. Ce rendez-vous régulier durant près de 20 ans a disparu depuis 2019.

Au lendemain de la lettre de Neghza, la réponse des autorités est venue à travers un pamphlet non signé publié par l’agence de presse officielle APS. Au lieu de répondre sur le fond, le texte s’attaque personnellement à la femme d’affaires et nie son activité publique en déniant le droit à son organisation d’exister, alors qu’elle était jusque-là plutôt proche des cercles du pouvoir.

Vent debout contre la démarche de Saïda Neghza

L’APS affirme que la lettre de Saida Neghza n’est qu’une « version améliorée des pressions qui font rappeler, l’ancien temps, lorsque des groupes de pressions, des lobbys et des oligarques exerçaient leur chantage sur l’État, tels que des organismes prédateurs comme l’ex-FCE (Forum de chefs d’entreprises, ancienne principale organisation patronale, ndlr) dont l’existence a été exterminée, et ceci d’abord, grâce au Hirak béni et, ensuite, grâce à la présidentielle de 2019 ». La même source prétend que la présidente de la CGEA « ne vise qu’à réhabiliter ceux qui ont dilapidé l’argent du peuple avec la complicité des forces extraconstitutionnelles ».

L’agence officielle indique, ensuite, que si les entrepreneurs veulent se plaindre, ils n’ont qu’à s’adresser au Conseil national de renouveau de l’économie algérienne (CNREA), organisation patronale crée sur instigation de la présidence, ou au Conseil national économique, social et environnemental (CNESE). Au passage, l’auteur dénigre la Tripartite « servie durant deux décennies et qui fut le théâtre du dépeçage de l’économie algérienne et des entreprises publiques ».

La patronne de la CGEA n’en démord pas !

En réponse, Saïda Neghza, qui se trouve à l’étranger en ce moment, a rappelé que la CGEA était la seule organisation patronale qui « a refusé catégoriquement, en 2017, de s’associer à la fameuse rencontre de l’hôtel El Aurassi, au cours duquel l’ancienne Issaba (gang, ndlr) avait lancé ‘‘l’appel pour la destitution de Monsieur Abdelmadjid Tebboune des Fonctions de Chef du Gouvernement’’, malgré les menaces subies ».

Elle affirme également son opposition à la privatisation des entreprises publiques et insiste sur le fait que son organisation est la seule qui représente l’Algérie dans de nombreuses organisations régionales et internationales.

Neghza souligne, d’ailleurs, avoir rencontré le président Tebboune et voyagé avec la délégation algérienne officielle au dernier sommet des BRICS en Afrique du Sud. Enfin, elle note que les autorités elles-mêmes évoquent toujours la Tripartite comme cadre de « concertation » entre les entreprises, le monde du travail et le gouvernement.

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