8 mai 1945, à l’origine de la guerre d’Algérie

Le 8 mai 1945, alors que la France, comme le reste de l’Europe, célébrait la fin de la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle tragédie se déroulait de l’autre côté de la Méditerranée : en Algérie. Dans les villes de Sétif, Guelma et Kherrata, des milliers de manifestants algériens, fêtant la défaite du nazisme et surtout revendiquant l’indépendance de leur pays, ont été massacrés par l’armée française et des milices civiles.

La joie et la gaieté qu’exprimait la mobilisation du jour, motivée par un rappel politique adressé au général de Gaulle quant à ses promesses d’accepter un processus d’autodétermination souhaité par les nationalistes algériens, ont rapidement laissé place à la tristesse et la calamité qu’infligeait la répression coloniale avec une brutalité inouïe, plusieurs semaines durant. Les estimations des victimes algériennes varient : 45 000 morts selon les leaders nationalistes algériens de l’époque, 1000 à 30 000 selon les différentes sources françaises.

Cette boucherie inhumaine, que rien ne justifiait car elle était largement évitable, constitue historiquement le point de non-retour pour le mouvement indépendantiste. Même si lesdits événements tragiques ont été souvent relégués au second plan dans les récits historiques, particulièrement en France, ils ont été le prélude direct à la révolution armée algérienne ou la guerre d’Algérie (1er novembre 1954- 19 mars 1962). L’atrocité des massacres a, en effet, profondément marqué les esprits et attisé les sentiments nationalistes et indépendantistes.

Les espoirs d’émancipation pacifique, nourris par la participation de nombreux Algériens y compris des leaders politiques du PPA (Parti du peuple algérien) à l’effort de guerre contre l’Allemagne hitlérienne, se sont brisés face à la violente répression des aspirations légitimes à l’autodétermination. Cela a non seulement consolidé la détermination du mouvement indépendantiste, mais il l’a radicalisé. La lutte armée était alors devenue un choix légitime et incontournable pour une jeune élite du PPA, celle qui va fonder l’organisation paramilitaire OS (Organisation spéciale) en février 1947, puis le FLN (Front de libération nationale) en octobre 1954.

Aujourd’hui, soixante-dix-neuf ans après les faits, les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata doivent être reconnus pour ce qu’ils sont : un crime de guerre, voire un crime contre l’humanité. La reconnaissance de ces crimes par l’Etat français serait un « petit pas » crucial vers une réconciliation sincère et durable entre les deux nations. Le processus mémoriel est indispensable pour panser les plaies laissées par la colonisation et la guerre d’indépendance.

Dans ce sens, on note l’action salutaire de certains députés français de gauche qui ont créé, en mai dernier, un groupe de travail parlementaire se fixant l’objectif de proposer une loi de reconnaissance d’ici début 2025. Ce geste symbolique serait une marque de respect envers les victimes et leurs descendants, mais aussi un moyen de bâtir une relation franco-algérienne fondée sur la vérité et la justice.

Le dossier mémoriel entre la France et l’Algérie est certes complexe et douloureux, néanmoins il est indispensable d’affronter ce passé pour mieux construire l’avenir. La mémoire partagée, avec ses zones d’ombre et de lumière, doit être abordée sans complaisance ni révisionnisme. Seule une reconnaissance pleine et entière des crimes coloniaux permettra de tourner définitivement la page coloniale et de réconcilier réellement les deux nations, au grand profit des peuples algérien et français.

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