La guerre est finie

La guerre d’Algérie est finie le 19 mars 1962 et la colonisation française du pays officiellement le 3 juillet, mais toujours est-il que la paix entre Paris et Alger montre trop souvent l’allure d’une « guerre froide » d’usure. En plus de 60 ans d’existence de l’« Algérie algérienne », qui a pris le relais de la chimérique « Algérie française », les périodes de réelle accalmie, de « désescalade » pour utiliser un jargon adéquat, se compte sur les doigts d’une main. Or, entre chaque guéguerre diplomatique, il n’y a pas le temps de porter un vrai projet de réconciliation franco-algérienne, en suivant par exemple le modèle de la réconciliation franco-allemande.

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Pourtant, il faut le faire. Et pour cause, un retour à l’avant 1830 dans les relations bilatérales est juste impossible. Deux siècles de liens historiques, culturels et sociaux nous unissent désormais. On est des millions à vivre dans une rive et avoir des attaches familiales, plus ou moins fortes, dans l’autre. Malgré leur divorce, la France et l’Algérie forment une « grande famille », dont les enfants sont condamnés à vivre ensemble. Autant rendre leur cohabitation agréable et bénéfique à tous. Ce qui passe forcément par une stratégie de coopération globale, mieux aboutie, en dehors de la manie tellement réductrice de parler constamment d’« hydrocarbures contre visas ».

Il y a réellement de quoi faire pour sortir de ce « bricolage », qui ne satisfait personne. Sans parler des sujets régaliens qu’il faut certes assainir, les deux pays ont chacun quoi offrir à l’autre afin d’ériger un cadre de partenariat d’excellence dans absolument tous les domaines : industries manufacturières, énergies renouvelables, nouvelles technologies, science, recherche, santé, culture, tourisme, etc. Tous les chercheurs spécialistes et les hommes politiques de bonne foi, algériens et français, avec lesquels nous avons pu échanger depuis plus de 10 ans autour des relations franco-algériennes, disent la même chose : les deux pays disposent d’une « mine d’or » d’opportunités mutuelles.

Pourquoi ne l’exploitent-ils pas alors ? En fait, le contentieux mémoriel lié à la période coloniale, qui n’avait pas été soldé après la fin de la guerre d’Algérie, ressurgit durant les années 1990. Depuis, le dossier de la mémoire a transformé la relation entre Paris et Alger en « jeu de vases communicants », qui empêche leur relation de s’épanouir. L’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée en 2017, lui qui avait déclaré en tant que candidat que « la colonisation était un crime contre l’humanité », a suscité l’espoir que la question mémorielle allait enfin être réglée par un « traitement de choc ». Sauf que le président français, en raison d’équilibre politique à sa droite, a finalement opté pour une stratégie plutôt lente, celle de la reconnaissance à « petits pas ».

Mais cela déplait à l’Algérie, de plus en plus exigeante vis-à-vis de la France sous l’impulsion du président Abdelmadjid Tebboune. Ce dernier, invité par son homologue en août 2022, lorsqu’ils signèrent ensemble la symbolique « Déclaration d’Alger », conditionne sa visite d’Etat à Paris – un cadre idéal pour relancer la coopération économique, qui est au point mort – par le règlement « immédiat » de certains dossiers mémoriaux.

En réalité, les Algériens ne seront satisfaits vraiment que par la reconnaissance en bloc, « officielle » et « solennelle », des crimes et des souffrances infligés par le système colonial à leurs parents et aïeuls, tel l’ont fait d’autres pays occidentaux envers leurs anciens peuples colonisés.

En attendant, on fait perdurer la tradition des « occasions manquées », marquant la relation entre la France et l’Algérie depuis 200 ans. Le risque, c’est que cela finisse mal, comme c’était d’ailleurs souvent le cas à chaque rendez-vous important raté avec l’histoire. N’est-il pas donc temps pour les forces vives des deux nations d’agir avant qu’il ne soit, de nouveau, trop tard ? En tout cas, le magazine France Algérie Actualité est né pour faire sa part !

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