La paix inachevée

Alors que nous commémorons les 62 ans des accords d’Évian, il est impossible de ne pas ressentir le poids de l’histoire qui continue de façonner les relations entre l’Algérie et la France. Ce document, paraphé le 18 mars 1962, marque officiellement et « légalement » la fin d’une guerre coloniale sanglante, qui a duré près de huit ans, et celle d’un système colonial sclérosé, vieux de 132 ans. Il devait être le premier « traité international » entre la Ve République française et la nouvelle République algérienne, ouvrant ainsi une ère de paix entre les deux nations, liées par le passé et certainement par l’avenir.

Pourtant, dès l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, le 19 mars, les aspirations à la fraternité et à l’amitié paraissaient déjà utopiques. L’euphorie de la veille passée, on est retombé dans la violence, bien que n’ayant pas atteint un point de non-retour, qui a obligé tout le monde à se contenter d’une paix « imparfaite ». Victimes de deux guerres civiles latentes et parallèles ; entre le gouvernement français et l’OAS, d’un côté, et entre le GPRA et l’armée des frontières, de l’autre, les accords d’Évian ont été le début du chemin vers une réconciliation franco-algérienne, mais pas son aboutissement. Cette voie reste parsemée d’obstacles et la paix demeure, à bien des égards, « inachevée ».

Et pour cause, leurs héritages restent complexes à élucider et souvent contestés, par les uns et les autres pour des raisons différentes. Ils ont certes posé les fondements de la relation postcoloniale entre la France et l’Algérie, mais ils ont également laissé des questions en suspens et des cicatrices pas encore totalement guéries, qui continuent de hanter le présent, notamment en ce qui concerne le « statut des minorités », juive et européenne.

Les accords d’Évian ont été, d’ailleurs, à l’origine des premières « brouilles diplomatiques » entre les deux pays car ils étaient trop avantageux sur le plan économique pour l’ancienne puissance coloniale, au détriment du jeune Etat indépendant, singulièrement en matière de monnaie et d’exploitation des richesses du sous-sol algérien. Ils ont été considérés sur ce point, à juste titre, comme une « plateforme néocolonialiste ». Ils reflètent, depuis, les tensions et les intérêts divergents des deux pays.

Mais malgré les manquements et les imperfections de leurs clauses, les accords d’Évian ont quand même permis l’essentiel pour les Algériens : l’accès à l’indépendance, la « Fête de la victoire » ; et les Français : sortir du bourbier algérien, la « Journée nationale du souvenir ». Petit à petit, quoique souvent façonnés au gré des vents qui soufflent le chaud et le froid sur les relations entre Alger et Paris, des progrès ont été réalisés sur le plan bilatéral, à commencer par le travail mémoriel, véritable baromètre de l’état des relations franco-algériennes.

La visite du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, en France, annoncée pour l’automne prochain, offre une opportunité précieuse de consolider cette dynamique positive et de la faire fructifier d’un point de vue des partenariats économique, scientifique et culturel. Son voyage, tant attendu, sera un moment clé pour aborder concrètement les défis communs, renforcer la coopération et continuer à construire une relation fondée sur le respect mutuel. Ce qui passerait forcément par le maintien d’un dialogue ouvert et constructif, à tous les niveaux et dans tous les domaines.

France Algérie Actualité propose d’explorer le contexte, les coulisses et les conséquences des accords d’Évian, à court, moyen et long termes, sur les relations franco-algériennes depuis l’indépendance. Et ce, à travers des analyses, des portraits et des entretiens qui retracent l’histoire fascinante et tentaculaire, en Algérie, en France, en Suisse et même en Italie, des négociations entre la France du général de Gaulle et l’Algérie du FLN, de juin 1960 à mars 1962. Cela permet de comprendre la complexité de leurs héritages en France et en Algérie, mais aussi de réfléchir sur les défis actuels que partagent les deux pays et pourquoi pas d’envisager un avenir de coopération « gagnant-gagnant » et de « paix parachevée ».

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