C’est aussi une journée triste où on commémore la mort de six militants algériens indépendantistes et un syndicaliste français, le 14 juillet 1953. Ils ont été tués par la police française de l’époque alors qu’ils participaient au traditionnel défilé populaire célébrant « les valeurs de la République », organisé le même jour que la fête nationale par le Parti communiste français (PCF) et la Confédération générale du travail (CGT).
Il s’agit de Amar Tabjadi, Abdallah Bacha, Larbi Daoui, Abdelkader Dranis, Mohammed Isidore Illoul, Medjen Tahar, tous membres du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), et de Maurice Lurot, un ouvrier appartenant à la CGT. France24 les a exhumés à travers un long format web qui retrace cette histoire oubliée par la France officielle, depuis 70 ans.
« Il y a tout juste 70 ans, un crime d’Etat est commis à Paris […]. Je demande solennellement au président de la République de reconnaître officiellement la responsabilité de l’Etat dans cette tuerie ».
Fabien Roussel, Secrétaire national du PCF.
« Peuple de France, en défendant tes libertés, tu défends les nôtres !»
Habitués à participer à l’événement initié par le PCF et la CGT, au nom du MTLD, qui avait remplacé le PPA (Parti du peuple algérien) après la dissolution de celui-ci en 1939, dans le but de réclamer leurs droits sociaux et économiques, les six ouvriers algériens et leur camarade français ont été tués sans aucune sommation.
Les militants algériens, fidèles à leur revendication de l’indépendance, avaient pris part avec détermination à cette manifestation, qui a démarré de la place de la Bastille en direction de Nation. Ils ont formé des carrés de marcheurs bien structurés, presque à la militaire. Ils se sont mis au-devant de la marche, brandissant le drapeau algérien et le portrait de leur chef de l’époque, Messali Hadj. Ils étaient entre 6 000 et 8 000 manifestants.
Mais les forces de police ne pouvaient voir les images de « ces Arabes » prenant le peloton de la marche, tout en brandissant des slogans révolutionnaires. On pouvait lire : « Peuple de France, en défendant tes libertés, tu défends les nôtres ! », « À travail égal, salaire égal » et « Libérez Messali Hadj ».
Tout ça était loin de plaire aux unités du maintien de l’ordre dépêchées sur les lieux, environ 2 000 agents selon les médias de l’époque. Vers la fin du défilé, ils ont commencé à charger puis à tirer à bout portant, créant une confusion indescriptible et une panique généralisée dans les rues de Paris. Bilan final : 7 morts et une cinquantaine de blessés.
Maurice Lurot, un syndicaliste français mort pour l’Algérie
Dans le long combat contre l’oubli et pour la reconnaissance de cet énième crime d’Etat par la France, le fils de Maurice Lurot n’a jamais cessé de réclamer la justice et la vérité sur les circonstances de la mort de son père. En vain. Aucune réponse de tous les gouvernements successifs ne lui est parvenue. « Chaque année, alors que chacun danse, ce sont les larmes aux yeux que je cherche un mot qui réchauffe. Chaque année, mon père est de nouveau assassiné par les camarades, par leur oubli », a-t-il écrit dans l’Humanité du dimanche, en septembre 1999.
Certes, une enquête judiciaire a été ouverte, mais l’instruction a été menée à charge. Elle a conclu que ce sont les Algériens qui ont provoqué la police, précisant également qu’ils étaient armés de bâtons et de barres de fer. Or, comme d’autres mensonges qui ont marqué certains faits passés en France, ils étaient sortis manifester dans leurs costumes du dimanche, sans armes ni attention de provoquer les forces de l’ordre.
Quant à la famille Lurot, elle n’a jamais pu connaître la vérité sur la mort d’un des leurs. Le juge de l’époque avait écarté tous les témoignages de manifestants. En revanche, il a gardé avec soin ceux des policiers qui avaient soutenu que les « Algériens étaient agressifs et violents en vue de justifier finalement la légitime défense ».
Aujourd’hui, ce sont de nombreux historiens qui ont rétabli la vérité en affirmant qu’il s’agissait d’un « crime d’Etat », de surcroît « raciste ». Le président Macron ouvrira-t-il un jour cette page d’histoire sombre et encore méconnue ? En tout cas, c’est ce que demande le PCF. « Il y a tout juste 70 ans, un crime d’Etat est commis à Paris… À l’occasion de cet anniversaire, le Parti communiste français n’entend pas oublier. Il s’incline devant les tués et les blessés. Par ma voix, je demande solennellement au président de la République de reconnaître officiellement la responsabilité de l’Etat dans cette tuerie », a demandé, hier, Fabien Roussel, Secrétaire national du Parti communiste français.