Algérie : Que prévoit la nouvelle loi sur l’information ? 

Presse Algérie
L’Algérie s’est dotée d’une nouvelle loi sur l’information, publiée le 27 août dernier dans le Journal officiel. Un texte qui « organise l’activité professionnelle et répond aux aspirations des professionnels », selon ses auteurs et vivement contesté par les professionnels des médias qui disent ne pas être consultés. 

Objet de discorde depuis longtemps entre le gouvernement et les professionnels de la presse, surtout les médias du secteur privé, la loi organique algérienne sur l’information a été donc entérinée par sa parution au Journal officiel.

Le texte, fixant les « principes et règles régissant l’activité de l’information et son libre exercice », a été adopté au mois d’avril dernier par le parlement, après « reformulation consensuelle » de l’article 22, qui a retardé cette adoption. La nouvelle loi exige, en effet, du journaliste qui travaille en Algérie pour le compte d’un média de droit étranger de disposer d’une accréditation au préalable. La version contestée du texte prévoyait un délai de 3 mois pour obtenir l’accréditation. Un « consensus » a finalement été trouvé sur un délai de 10 jours.

La loi de l’ancien ministre de la Communication Bouslimani… sans lui

La loi en question, n° 23-14 du 27 août 2023, compte 56 articles au total. Le texte a été fortement défendu par l’ancien ministre de la Communication, Mohamed Bouslimani, limogé il y a trois mois et remplacé, ce 3 septembre, par Mohamed Laagab. « La scène médiatique nationale ne peut relever les défis du nouveau millénaire sans une réforme globale des méthodes de travail, à travers l’établissement de nouvelles règles qui assurent un équilibre entre la liberté et la responsabilité », a-t-il défendu à l’époque.

En avril 2023, lors de la présentation du projet de cette loi, le ministre avait affirmé aussi que ce texte offrait des « garanties qui consacrent le droit du journaliste à la liberté d’expression et à la recherche d’information ». Ce qu’une bonne partie de la corporation a réfuté. En vain. Il faut dire que l’absence d’un syndicat national de journalistes actif en Algérie rend très difficile la défense des droits et des intérêts des journalistes dans le pays. Ce qui fait que le secteur des médias n’a pas été consulté lors de l’élaboration du nouveau texte législatif.

Le tout premier élément à mentionner, c’est que cette loi marque une différence entre un « journaliste professionnel » et un « journaliste » tout court ! Elle exige que tout média emploie, à temps plein, des « journalistes professionnels dont le nombre ne doit pas être inférieur à la moitié (1/2) de l’équipe rédactionnelle ». La qualité de « journaliste professionnel » sera attestée par une carte nationale de journaliste professionnel. Un casse-tête administratif de plus que la profession appréciera.

Tour de vis supplémentaire sur le financement des médias privés algériens

La loi organique stipule, dans son article 9, que tout média est tenu de déclarer et de justifier l’« exclusivité nationale du capital social, l’origine des fonds investis et ceux nécessaires à sa gestion ». Le texte interdit ainsi les investissements étrangers dans les médias algériens, en y incluant les binationaux. « Les activités d’information sont exercées par les médias relevant… des personnes physiques de nationalité algérienne, exclusivement, et des personnes morales de droit algérien dont le capital est détenu par des personnes physiques de nationalité algérienne, exclusivement, ou des personnes morales de droit algérien dont les actionnaires ou les associés sont, exclusivement, de nationalité algérienne », lit-on dans l’article 4 du texte.

Au passage, ladite loi met un terme aux fameux prête-noms. « Prêter » son nom est désormais interdit pour « toute autre personne physique ou morale, en simulant soit la souscription ou l’acquisition d’actions ou de parts en vue de la création d’un média ».

La régulation va encore plus loin sur ce plan, puisque les médias privés ne peuvent désormais recevoir aucune aide, financière ou matérielle, en dehors des organismes auxquels ils sont légalement liés. « Sont interdits le financement et/ou l’aide matérielle directe et indirecte de toute partie étrangère », prévoit le texte. Point de fonds étrangers tolérés sauf ceux « destinés au paiement des abonnements et de la publicité ».

Nouvelle autorité algérienne de régulation de la presse

La loi sur l’information a institué, par ailleurs, une « autorité indépendante de régulation » de la presse écrite et de la presse électronique. Cette nouvelle institution est dotée d’une personnalité morale et d’une autonomie administrative et financière. Elle s’ajoute ainsi à l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV).

Sur le même plan régulationniste, il y aura la création d’un Conseil supérieur de l’éthique et de la déontologie de la profession de journaliste, composé de 12 membres dont 6 seront désignés par le président de la République !

La couleur est annoncée dès l’article 3, qui stipule que l’information est « une activité librement exercée dans le cadre des dispositions de la Constitution, de la présente loi organique, de la législation et de la réglementation en vigueur », ainsi que dans le respect de « la religion musulmane et de la référence religieuse nationale, des autres religions, de l’identité nationale, des constantes et des valeurs morales, cultuelles et culturelles de la Nation, de la souveraineté nationale, de l’unité nationale et de l’unité territoriale, des exigences de l’ordre public, de la sécurité et de la défense nationale, des attributs et des symboles de l’Etat, de la dignité de la personne humaine et des libertés individuelles et collectives, des intérêts économiques du pays ».

Enfin, la nouvelle loi sur l’information confirme l’abrogation légale des peines de prison pour délit de presse, lesquelles ont été remplacées par des amendes.    

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