L’Algérie expulse 12 agents consulaires français

Bruno Retailleau et Jean-Noel Barrot

Un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères, publié ce 14 avril, précise que cette décision fait suite à l’arrestation et l’incarcération d’un agent consulaire algérien à Paris. Ce que Alger considère comme une tentative de « rabaisser l’Algérie » par le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, dont l’objectif serait d’empêcher la « décrispation » des relations algéro-françaises.

L’Algérie a ainsi confirmé par voie officielle l’expulsion de 12 agents consulaires en poste à l’ambassade de France et dans différentes autres représentations diplomatiques sur son territoire. Ces fonctionnaires, « relevant du ministère de l’Intérieur français », ont été déclarés persona non grata et sommés de quitter le pays sous 48 heures.

Cette réaction intervient en réponse à l’arrestation jugée « spectaculaire et ostentatoire » d’un agent consulaire algérien à Paris, le 8 avril dernier. Ce dernier, accusé par la justice d’avoir été impliqué dans les supposés enlèvement et séquestration de l’influenceur et réfugié politique Amir Boukhors, alias « Amir DZ », a été placé en détention provisoire dans l’attente de son jugement.

Alger dénonce une violationdes usages diplomatiques et des conventions internationales en vigueur, estimant que cet acte est destiné à « rabaisser l’Algérie ». Le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, est nommément accusé d’avoir orchestré ladite arrestation dans un but de provocation. « Ce ministre, en manque flagrant de discernement politique, porte l’entière responsabilité de la tournure que prennent les relations entre l’Algérie et la France », fustige le texte. Ses auteurs préviennent que toute nouvelle action jugée hostile de la part de Retailleau fera l’objet de représailles « fermes et adéquates ».

Quant à la diplomatie française, par la voix du ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, elle tente de désamorcer cette nouvelle tension entre les deux pays, intervenue deux jours seulement après sa visite à Alger où il avait pourtant entériné la désescalade de la grave crise que traverse des relations franco-algériennes décidée par les chefs d’États français et algérien. Le patron du Quai d’Orsay a appelé ses homologues à revenir sur leur décision. « Je demande aux autorités algériennes de renoncer à ces mesures d’expulsion sans lien avec la procédure judiciaire en cours », a-t-il déclaré dans un message transmis à la presse. Il a néanmoins prévenu que Paris se réserve le droit de répondre « immédiatement » si l’expulsion devient effective.  

Communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères, publié le 14 avril 2025
Communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères, publié le 14 avril 2025.

Réescalade dans la crise entre la France et l’Algérie

Ce énième épisode de crispation marque un nouveau pic dans une série inédite de tensions entre les deux capitales qui se poursuit depuis juillet 2024, suite à l’annonce du président français, Emmanuel Macron, portant sur le « soutien officiel » de son pays au projet d’autonomie porté par le Maroc dans le dossier de décolonisation du Sahara Occidental. Une « décision que lui a déconseillé » le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, qui devait effectuer une visite d’État en France pour renforcer l’axe de coopération Alger-Paris. Le voyage, préparé pendant plusieurs mois et reporté à maintes reprises, a été tout bonnement annulé.

Pour ne rien arranger au mécontentement du gouvernement algérien, le ministre de l’Intérieur français a fait des relations franco-algériennes la principale préoccupation de son département, usant d’un ton belliqueux sous prétexte d’imposer un rapport de force aux Algériens qu’il accuse de vouloir « humilier la France ». Pour alimenter sa stratégie d’ascension politique à droite et à la droite extrême, il a focalisé ses actions et discours sur l’affaire de l’écrivain algérien Boualem Sansal, naturalisé français en juin 2024 et arrêté en Algérie en novembre 2024, où il a été jugé et condamné en première instance, le 27 mars 2025, à 5 ans de prison ferme pour, entre autres, « atteinte à l’unité nationale ».

Retailleau a également fait de l’application des OQTF qui frappent les ressortissants algériens son cheval de bataille médiatique, particulièrement à travers l’affaire de l’influenceur Doualemn dont l’expulsion a été avortée, dans le dossier de la régulation de l’immigration, poussant notamment le gouvernement de François Bayrou à menacer de dénoncer unilatéralement l’accord franco-algérien de 1968 ainsi que d’autres traités bilatéraux en brandissant un ultimatum.   

Or, un début d’accalmie semblait émerger après un entretien téléphonique entre les présidents Macron et Tebboune, le 31 mars dernier, à l’occasion de l’Aïd el-Fitr. Les deux hommes affichaient alors, dans un communiqué commun, leur volonté de relancer un « dialogue fructueux » entre les deux pays, de « tourner la page » de la crise et de bâtir une « relation d’égal à égal » sur le principe du gagnant-gagnant dans tous les domaines. C’était sans compter sur l’arrestation du diplomate algérien qui a ravivé les tensions.

Dans ce climat de défiance, les gestes de réconciliation semblent s’éloigner de plus en plus et les mécanismes de coopération bilatérale se fragiliser, suspendus à une nouvelle guéguerre via médias interposés et un jeu de vases communicants. Ce qui risque de provoquer une rupture totale des relations diplomatiques entre la France et l’Algérie. Les Affaire étrangères algériennes ont, en effet, mis en garde contre « toute autre nouvelle action attentatoire ». Pendant ce temps, des informations fuitent du côté de l’Élysée et font état d’incompréhension pour ce que l’entourage de Macron juge comme une « décision disproportionnée » des autorités algériennes, évoquant l’existence de potentielles mesures de rétorsion en réflexion.

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