Ancien ministre des Affaires Étrangères de Jacques Chirac, De Villepin considère que les manifestations anti-françaises que connaissent certains pays d’Afrique sont un symptôme de l’existence d’« un profond ressentiment vis-à-vis de la France avec une grande suspicion qui est nourrie par un certain nombre d’éléments et au premier chef, bien sûr, la relation post-coloniale de ces pays africains » avec l’ancienne puissance coloniale.
Échec de la politique africaine de la France
À cela s’ajoute un autre élément important : avec l’avènement de la guerre en Ukraine, il y a le sentiment d’un « deux poids deux mesures, un intérêt trop fort de l’Europe et de la France pour ce qui se passait à l’Est et un désintérêt relatif pour ce qui se passait au Soudan, en Éthiopie et dans beaucoup d’autres régions de l’Afrique », a-t-il encore estimé.
Cela s’ajoute à la durée, longue, de la présence française dans ces pays même si ce sont les dirigeants africains qui ont sollicité sa présence. Or, « la France s’est mise dans une situation où il n’y avait pas d’issue. Nous n’avons pas cessé de nous embourber alors que nous avons perdu contact avec une grande partie du Sud ».
Cette absence de résultat a produit, selon l’ancien diplomate, un sentiment de distanciation vis-à-vis de la France et une « coagulation de l’ensemble des couches sociales » contre sa politique étrangère. « Les plus défavorisés ne voient pas leur situation s’améliorer, les classes moyennes sont très soucieuses de leur souveraineté et donc condamnent les attitudes de la France. Quant aux classes dirigeantes, elles se servent de la France comme bouc-émissaire. Tout cela avec une jeunesse connectée », a-t-il analysé.
La France s’est trop occidentalisée
Plus globalement, l’homme qui a lu un discours historique au Conseil de Sécurité des Nations Unies en 2003 pour s’opposer à l’intervention militaire américaine en Irak, estime que la France « s’est trop occidentalisée » et s’est « éloignée » des pays du Sud. « Nous avons choisi de nous occidentaliser depuis Nicolas Sarkozy, nous n’avons pas poursuivi dans la voie qu’avait initié Jacques Chirac, de liens extrêmement forts avec le Sud et avec une politique arabe, une politique africaine, une politique de l’Amérique latine, tout cela s’est arrêté, avec en même temps le retour dans l’OTAN de la France », rappelle-t-il. Et d’enchaîner qu’au « moment où les autres pays occidentaux se rendaient compte que les interventions militaires étaient une erreur, nous, nous avons continué (…) sans comprendre que cette politique d’interventions militaires était perçue par le Sud comme parfaitement illégitime et condamnable ».
Autre explication donnée par Dominique de Villepin sur le déclin de la France en Afrique, c’est le piège de prendre position dans des conflits internes : le soutien aux dirigeants africains suscite l’ire des sociétés civiles et l’appui des sociétés civiles met la France en confrontation avec les gouvernants. En somme, « nous sommes devant une situation qui marque un fort abaissement de la France. Et, malheureusement, si nous ne révisions pas notre politique étrangère pour la rééquilibrer, vis-à-vis de l’Europe et des États-Unis, et vis-à-vis du Sud et de la Chine, nous risquons de voir la situation se dégrader d’avantage », a conclu l’ancien chef de gouvernement.