Suivre l’exemple de l’Office franco-allemand pour la jeunesse
L’Office franco-algérien pour la jeunesse ou l’Office algéro-français pour la jeunesse devrait contribuer à créer une nouvelle dynamique dans les échanges associatifs, culturels et scientifiques entre les jeunes français et algériens. « Nous pensons qu’il ne faut pas considérer les jeunes comme des masses de personnes qui sont là pour continuer les guerres d’antan ou porter les rancœurs, mais plutôt pour construire quelque chose de l’ordre de l’épanouissement, de l’émancipation, de la capacité à se parler, à se découvrir, à circuler… », espère Dominique Sopo, président de SOS Racisme.
L’idée d’un tel office est inspirée de la création, en 1963, de l’Office franco-allemand pour la jeunesse, autonome vis-à-vis des autorités politiques. Ce qui a contribué, entre autres, à la réconciliation entre la France et l’Allemagne, qui se sont pourtant fait la guerre lors de conflits majeurs durant plusieurs décennies. Selon M. Sopo, les militants de SOS Racisme et des organisations associatives qui soutiennent ce projet veulent suivre la même logique, y compris en ce qui concerne l’appellation : « Il se trouve qu’on parle d’Office franco-allemand pour la jeunesse, en français, et d’Office germano-français pour la jeunesse, si on le traduit depuis l’allemand… On peut faire la même chose, voire mieux : dire l’Office algéro-français pour la jeunesse quand on parle en français, et dire l’Office franco-algérien quand c’est en langue arabe. Ce serait ainsi des choses joliment mêlées ».
Sortir de l’instrumentalisation de la mémoire entre la France et l’Algérie
SOS Racisme s’intéresse aux relations franco-algériennes car elle considère que la passion qui les caractérise depuis l’indépendance de l’Algérie a influencé l’émergence de certains phénomènes comme le racisme et les discriminations. « L’histoire entre la France et l’Algérie est assez traumatique car elle s’est faite à travers la colonisation pendant 132 ans. Par ailleurs, les circonstances très violentes de la décolonisation restent, aujourd’hui, l’un des soubassements à un racisme anti-arabe et un élément de tensions dans la société française », explique encore M. Sopo. Cette réalité sociale trouve sa source dans la forte présence en France de plusieurs populations ayant un lien avec l’histoire coloniale : immigration algérienne, pieds-noirs, juifs d’Algérie, appelés du contingent, harkis, etc. Ce qui a rendu possible l’instrumentalisation de la mémoire de la Guerre d’Algérie à des fins politiques dans les deux pays, comme le précise notre interlocuteur : « La relation entre la France et l’Algérie est marquée par les exploitations du passé qui peuvent être des ressources politiques. Si on prend le côté français par exemple, on ne peut pas comprendre l’extrême-droite, telle qu’elle est aujourd’hui, sans parler de la rancœur et du racisme engendrés par la fin de l’Algérie française… ».
Regards croisés… sur le passé et vers l’avenir
Dans le but d’apaiser la mémoire liée à la colonisation, SOS Racisme a initié des processus de dialogue entres les différents groupes concernés par cette question pour aller vers une forme de réconciliation. « En même temps, souligne son président, les jeunesses ne se sont jamais battues entre elles. Il s’agit plutôt d’un dépassement, d’être au clair avec ce qu’a été l’histoire coloniale et d’interpeler la société sur ce que cette histoire a produit en termes d’injustices, de douleurs, de représentations plus ou moins caricaturales des uns par rapport aux autres, de racismes, etc.». Dans ce sillage, l’association antiraciste a entamé, depuis plusieurs années, un travail de rapprochement entre les jeunesses française et algérienne. Déjà en 2017, elle a lancé le projet « Regards croisés » pour faire rencontrer les jeunes des deux pays autour de cette page d’histoire commune qu’était la colonisation. « Notre objectif n’est pas de ressasser le passé, mais d’être capable de le regarder en face pour mieux se projeter ensemble vers l’avenir », indique M. Sopo.