Les Algériens représentent le plus fort contingent d’immigrés en France réguliers et irréguliers, mais aussi ceux parmi eux qui font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) : 58,7 mille personnes, soit près de 44 % des OQTF délivrées en 2022, selon la Cour des comptes. Pour rappel, selon les chiffres de l’Insee pour la même année, près de 12,5 % des 7 millions d’immigrés vivant en France sont originaires d’Algérie, soit environ 875 000 personnes.
Dans son rapport sur la politique du gouvernement en matière de lutte contre l’immigration irrégulière, rendu public le 4 janvier 2024, la Cour des comptes a, entre autres, cartographié l’aspect général des procédures d’éloignement à l’encontre des immigrés dont la présence en France n’est plus autorisée. Dans ce sillage, elle s’est penchée sur les OQTF et les conditions de leur exécution, sujet hautement sensible et clivant pour la classe politique française.
Ainsi, on apprend que les ressortissants algériens en France sont ceux qui ont eu le plus d’OQTF prononcées durant l’année de référence, en l’occurrence 2022, avec 58 700 documents délivrés. Ils devancent les citoyens marocains (29 000 OQTF) et tunisiens (26 000 OQTF). Néanmoins, peu de ces OQTF sont réellement réalisées. En effet, 2 600 citoyens algériens ont été expulsés vers l’Algérie, suivant la procédure dite de l’« éloignement forcé » ; soit un peu plus que 4% des 58,7 mille OQTF délivrées. Sur ce point, ils sont donc derrière les Albanais (5 400 exécutions sur 24 800 OQTF) et les Roumains (3 300 exécutions sur 7 900 OQTF).
L’institution de contrôle rappelle, au sujet du renvoi vers le pays d’origine d’immigrés sous OQTF, l’obligation de l’« obtention d’un laissez-passer consulaire (LPC) auprès du pays d’origine [qui] est nécessaire afin de procéder à l’éloignement. Or, les États d’origine sont souverains dans la reconnaissance ou non de leurs ressortissants. La France rencontre de grandes difficultés à obtenir de tels laissez-passer ». Ce qui a été d’ailleurs un sujet de discussion et de friction, de nombreuses fois, entre la France et l’Algérie.
Seulement 10 % des mesures d’éloignement suivies d’effet
Le rapport de la Cour des comptes a dénombré au total 153 042 « mesures d’éloignement » en 2022, dont 134 280 OQTF, prononcées par l’ensemble des préfectures et juridictions françaises. Parmi les mesure d’éloignement, « 33 % ont été prononcées à la suite d’une action par les forces de l’ordre (le plus souvent à l’issue d’un contrôle d’identité ou pour une infraction pénale) et le reste à l’issue d’un refus de titre ou de demande d’asile. Or, sur la même année, la police aux frontières n’a dénombré que 15 400 éloignements ou départs volontaires, soit 10 % des mesures [d’éloignement] prononcées ».
Toujours selon le document de l’institution présidée par Pierre Moscovici, qui avait reporté la publication dudit rapport prévue à la mi-décembre 2023 pour « ne pas interférer » avec la loi sur l’immigration votée dans la douleur, la difficulté à exécuter les OQTF s’explique aussi par des questions de périmètres d’action des ministères concernés : « En définitive, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères n’intervient que ponctuellement sur les dossiers d’éloignement et estime que cela ne relève pas de sa responsabilité. Or, le ministère de l’Intérieur n’a pas la même capacité de négociation avec les pays ».
Enfin, le rapport constate l’« inefficacité » de la décision française de réduire les quotas de visas réservés aux pays du Maghreb, dont l’Algérie, pour les ramener à plus de coopération concernant les LPC. « Le levier de la restriction des visas pour obtenir des réadmissions plus nombreuses est peu efficace, par rapport à la mise en place d’une politique cohérente de coopération multidimensionnelle, si possible à l’échelle européenne », lit-on dessus.